
Par: Médard Léger
Publié dans l’Évangéline du 9 novembre 1953.
La chute du fort Beauséjour eut une grande influence sur le destin futur des premiers acadiens de Caraquet, car la plupart d’entre eux possédaient soit une ferme, soit une demeure près du fort. L’habitation d’Alexis Landry, par exemple, se trouvait située tout près du village d’Aulac envisageant cette forteresse.
Le fort Beauséjour, comme on serait porté à croire, n’a pas obtenu de nom à cause de la beauté du site ou de l’endroit, mais fut nommé ainsi d’après l’un de ses premiers colons, Laurent Chantillon, surnommé lui-même Beauséjour. Voici un bref résumé de l’histoire du fort. À l’automne de 1750, de la Jonquière, alors gouverneur du Canada, ayant appris que les Anglais avaient commencé à construire un fort à Beaubassin, ordonna immédiatement qu’un fort soit élevé à Beauséjour, dominant la Baie de Chignectou.
Cet ordre fut d’abord donné au Sieur d’Ours-de-Chaillon commandant alors les troupes françaises à Beauséjour, le 8 novembre 1750. Cependant, la construction du fort ne commença pas avant l’année suivante, alors que de nouveaux ordres furent remis ai lieutenant Joseph Gaspard de Lery. En 1754, Louis du Chambon de Vergor fut nommé commandant. Ce dernier était un escroc. L’intendant Bigot, de Québec, alla jusqu’à écrire à Vergor lui disait alors de retirer tout ce qui pouvait de l’aventure, afin qu’ils puissent tous deux, plus tard, acheter des propriétés avoisinantes en France.
La France avait malheureusement, à cette époque, confié la destinée de l’Acadie à des hommes peu consciencieux. San s que Vergor eut vent de la chose, les Anglais, pendant ce temps, se préparaient secrètement à une attaque. Un nommé Thomas Pichon, un des officiers du fort Beauséjour, était mécontent de la manière dont les affaires étaient administrés dans le fort français et devint l’espion des Anglais et révélait continuellement au commandant anglais du fort Lawrence l’état du fort Beauséjour.
Au printemps de 1755, le fort Beauséjour était armé de 26 canons, calibre de 12 … et une pièce d’artillerie calibre 10 pouces, avec une garnison de 200 hommes, plus 700 autres, fermiers acadiens sujet à être appelés au besoin. Parmi ceux-ci se trouvaient la plupart des premiers acadiens de Caraquet.
On construisit, près du fort, une chapelle, un hôpital et quelques bâtiments. L’abbé Laloutre collaborateur dévoué de cette entreprise, exerçait là son ministère. Ce vaillant missionnaire fut souvent mêlé aux intrigues politiques de ces temps mouvementés. On alla jusqu’à l’accuser, entr’autres, d’avoir reçu une grosse somme d’argent de la France pour construire des aboiteaux et de levées à l’ouest de Beauséjour, et qu’il avait insisté pour se servir de toute la main d’œuvre disponible au travail, tandis que ces mêmes hommes étaient nécessaires pour compléter et renforcer la garnison du fort.
Le gouverneur Lawrence, de la Nouvelle-Écosse, et le gouverneur Shirley du Massachusetts, dans l’intervalle, et de concert avec les autorités anglaises, projetaient de capturer Beauséjour. Ce dernier, par conséquent, semble avoir été, dès le début, condamné à la ruine. On connaît le reste de sa lamentable histoire. Louisbourg fut incapable d’envoyer du renfort ou quelqu’aide que ce soit. Une expédition partie de Boston le 20 mai 1755, comprenant deux mille néo-anglais se joignit aux quatre cents hommes du fort Lawrence et, le 16 juin 1755, après ce que l’on appela le «Siège velouté», Beauséjour était pris. La garnison française fut envoyée à Louisbourg : les fermiers acadiens et les refugiés qu’on avait contraint de porter les armes sous peine de mort, furent excusés pour le moment; et l’abbé Laloutre fut envoyé en exil.
Un récit de la chute du fort Beauséjour, avec tous ses détails dû à la plume d’un artilleur de Fredmont, est considéré comme le plus authentique récit écrit au sujet de cet événement historique, le dernier rattachement de la France au Canada. Placide Gaudet, l’historien acadien, a déjà fait publier les notes de Jacau dans le journal l’Évangéline.
Le colonel Monckton changea le nom du fort Beauséjour à celui de fort Cumberland. Maintenant l’ancien fort Beauséjour a été restauré et un musée a été érigé sur ce même site.