La voix du désert
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Père Zoël Saulnier

Né le 15 août 1933 en Péninsule acadienne et ordonné prêtre le 15 août 1957, le Père Zoël Saulnier a oeuvré au coeur des communautés acadiennes, à Robertville, Sheila, Caraquet et Brantville. Il a été enseignant et pasteur, ce qui lui a donné l'occasion de mettre ses talents d'animateur et d'homme de lettres au service des gens de son milieu. C'est aussi un homme de combat, et il a toujours su défendre l'identité de son peuple. Il a travaillé à l'avancement de plusieurs dossiers au niveau tant culturel que social et ecclésial. En Acadie, il a mis sur pied une oeuvre rassembleuse, qui montre à quoi le peuple acadien ressemble. Proche de ses racines acadiennes, il continue de travailler au respect du patrimoine religieux en plus d'accompagner de ses conseils la relève et de susciter des élans créateurs au sein de la culture acadienne. Le Père Saulnier possède l'art de dire les choses qui invitent à l'engagement.
(Tiré de : De la Savane à la Dune)
Faut-il continuer d'annonce Jésus Christ?


Tous missionnaires

En lisant le texte de Luc 10, 3-11, j’ai voulu me situer au cœur de mon Église d’aujourd’hui  comme disciple de Jésus et me vivre dans une Église missionnaire et non pas dans une Église de décrets, une Église  plus intéressée par les structures que l’évangélisation de ses membres.
Je vous invite à faire la lecture de ce texte en saint Luc car  ce texte de l’envoi en mission en  saint Luc m’a permis d’alimenter la flamme missionnaire de mon baptême aujourd’hui et faire un plongeon dans la mission qui est la vôtre aussi. Seule l’évangile peut sauver l’humanité « en cendres » dans un monde de la technique envahissante.
Comment  dans cette modernité être à la hauteur de la mission aujourd’hui non pas comme ministre ordonné mais  avant tout comme baptisé?
C’est la lecture d’un livre de Fabrice Hadjadj qui a pour titre : Puisque tout est en voie de destruction qui a permis cette réflexion que je partage avec vous. Ce livre merveilleux m’a mis en piste en me regardant dans cette mission au cœur de notre monde dans une culture de la rencontre afin de contrer une culture de l’indifférence. Comment évangéliser dans ce monde de la technique?
Je suis plus qu’un baptisé assis au cœur de mon Église en mission. Il faut susciter en nous, d’abord, une prise de conscience urgente : tous et toutes, nous sommes disciples de Jésus, donc envoyés en mission et ce texte de saint Luc m’a profondément secoué. Un texte qui fait écho à ce que Jésus affirmait : » Allez vers et faites des disciples ». Un texte qui me dit : voilà le sens profond de mon baptême, être un envoyé dans un monde en dérive. Au lieu d’être l’observateur passif de ce monde dans lequel et je me suis dit : je suis plus qu’un objet technique. Comment évangéliser dans ce monde technologique, dans une culture qui perd le sens du religieux?
Ce texte m’ouvre des pistes de réflexion afin de me vivre non pas dans une Église en consommateur mais en disciple engagé dans une mission, au cœur d’une Église missionnaire.
 On pourrait s’attendre, vu la grandeur de la mission à ce que les disciples soient des athlètes surentraînés, suréquipés, surarmés. Qu’ils soient comme des lions au milieu des loups. Qu’ils aient de l’argent en quantité, à ne pas savoir quoi en faire. Qu’ils jouent au Père Noël, qu’ils soient séducteurs, etc.
Et pourtant, c’est tout le contraire. Au lieu de nous armer, le Seigneur  nous envoie comme des «agneaux au milieu des loups », il nous désarme. Au lieu de nous équiper, il nous prive de tout équipement, et, pour comble, pour nous soyons encore plus démunis, il nous prive de tout équipement, il nous interdit d’être  un maître d’entreprise pour que le dépouillement soit visible. Tout baptisé est pasteur selon les charismes qui sont les siens en acceptant de se dépouiller de tous les gadgets qui pourraient aujourd’hui s’offrir à nous pour vivre l’offrande de son être dans un face-à-face.
Comme sainte Theresa de Calcuta, c’est notre pauvreté qui nous ouvre un chemin vers les pauvres. Être comme des pauvres pour mieux accueillir  cette parole : « Le Royaume de Dieu est tout proche de vous ».Ëtre accueilli pour mieux être accueillant. Quel est ce royaume? Jésus avait dit avant cet envoi en mission : « Heureux les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous ».(Lc 6, 20). Quel royaume qui est la conquête de tous les disciples en mission!
Le Royaume, dans le texte de saint Luc,  c’est donc deux pauvres qui vont à la rencontre d’autres pauvres dans la pauvreté des moyens, dans la joie simple du pain et du vin, dans la lumière d’un bonjour qui fait voir la bonté et la lumière d’exister.  La mission qui est la vôtre, qui est la mienne doit se vivre dans cette pauvreté évangélique dont saint François d’Assise  nous a donné le plus riche exemple, lui qui est allé jusqu’à embrasser un lépreux.
La pauvreté est nécessaire pour que la pureté du message de Jésus arrive jusqu’à nous. Avec des moyens temporels pauvres, Dieu parle<à l’humanité. Ces moyens temporels pauvres marqués par le Croix donc  dénués, ces moyens peu visibles sont efficaces dans la mission d’aujourd’hui.
En saint Luc nous lisons que Jésus envoie ses disciples deux par deux, déconnectés du cybererespace afin de rencontrer des personnes réelles, devant eux dans une proximité physique afin de vivre la spiritualité de l’incarnation. La pauvreté des moyens permet la richesse d’une rencontre réelle.
Ä ce point extrême de notre histoire, dans  ce monde technique auquel  on ne peut y échapper, il est urgent de se sentir « envoyé »  au service de la mission à la suite de Jésus. Il est urgent de se vivre au cœur de cette mission. Quand l’homme se prend pour le Créateur, il finit par vouloir se créer lui-même, dès lors, il n’est plus lui-même qu’un matériau parmi plusieurs autres. Le risque est le suivent de devenir à son tour un manipulateur sans limite. L’homme se dégrade en manipulé sans pudeur et ainsi prétendant à son autodestruction et il aboutit comme projet de vie à son autodestruction.  Quoi faire pour changer ayant pris acte de la situation dans le monde d’aujourd’hui?
Ce texte de saint Luc nous renvoie à la nécessité de la pauvreté évangélique ou pourquoi les disciples que nous sommes sont cinq fois pauvres : pauvres dans leur envoi, pauvres dans leur défense, pauvres dans leur équipement, pauvres dans leur message et pauvres dans leur personnage.
Pauvres dans leur envoi d’abord car ils sont envoyés dans la prière afin de mendier dans une relation vivante avec Celui qui est la source de la mission. Il faut prier pour que Jésus envoie des ouvriers dans sa moisson qui est l’œuvre de Dieu et non pas celle de l’entrepreneur ou le chef de chantier que je voudrais être.
Pauvres dans leur défense car ils sont « des agneaux au milieu des loups », des pauvres riches de la tendresse de Dieu.
La troisième pauvreté est celle de l’équipement qui permet la proximité, la communion des personnes et donc présence réelle de l’un à l’autre, offrande réciproques des visages.  Au-delà des écrans, l’évangélisation a besoin d’un face-à-face pour incarner dans la rencontre la Bonne Nouvelle.                  
La quatrième pauvreté est celle du message qui s’adresse au messager que je suis, que vous êtes, celui qui est sauvé et glorifié dans le Verbe fait chair. Nous proclamons ce que nous vivons.
La cinquième pauvreté est celle de deux envoyés. Le disciple ne fait pas cavalier seul. Le message s’incarne dans la communauté vivante, pensante, chantante et priante. « À ceci  tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres (Jn 13, 35).
Je termine cette réflexion avec ce beau texte de Fabrice Hadjadj du livre cité au début : «  la vraie vie n’est pas dans l’accumulation de l’avoir, mais dans l’offrande de l’être; que la vérité la plus haute n’est pas dans la savoir qui domine, mais dans une hospitalité qui accueille, qui s’étonne de l’incompréhensible présence d’un visage ».
Bonne mission!
 
 
 25ième Conservatoire de musique de l’Acadie
 
Dans la vie d’une personne, 25 ans c’est  jeune, mais au cœur d’un mouvement culturel, le regard est différent puisque dans un monde du zapping et changeant comme le nôtre bien des associations n’ont pas longue vie. Dans les contextes culturels qui ne cessent de changer une institution comme le Conservatoire de Musique de l’Acadie assure une permanence essentielle à toutes cultures, surtout à la nôtre, la culture acadienne.
Si les 25 ans du Conservatoire de Musique de l’Acadie nous rassemblent dans ce magnifique centre culturel, c’est pour reconnaître le chemin parcouru grâce à ces personnes qui ont cru et croient encore malgré tout, que le vrai visage d’un peuple, c’est sa culture.  Nous avons raison de partager cette fête, ce gala musical dans un monde qui se nourrit trop souvent de haine et d’exclusion. C’est la culture qui donne la parole à mon peuple.
En regardant le parcours du Conservatoire de musique de l’Acadie, je reviens aux racines de cette institution qui a permis la continuité de cette formation musicale qui se vivait dans nos couvents grâce au dévouement des communautés religieuses aussi bien ici à Caraquet, à Shippagan et Lamèque et à l’Académie Sainte-Famille à Tracadie.
Ces communautés religieuses nous ouvraient aux valeurs humaines et chrétiennes et par le fait même nous ouvraient à la culture aussi bien dans la musique instrumentale, dans le chant, dans les arts dans tous les domaines. Ces femmes qui ont permis à nos vies de chanter, de nous laisser bercer par les œuvres des grands maîtres. Ces femmes nous ont appris que c’est la culture qui a permis de dépasser l’humiliation historique de notre peuple
Ce soir, me revient en mémoire une première réunion de fondation où des personnes de fortes convictions jetaient les bases pour prolonger cet héritage musical reçu de ces communautés religieuses.
Autour de fondateurs et des fondatrices, je nomme Mme Jeannine St-Cyr, sœur Mourant, de la congrégation Notre-Dame, Mme Marie-France Quenneville-Albert, Messieurs Roger Cormier, Mathieu Duguay et moi-même. Portant dans nos souvenirs l’engagement de madame Jeannine St-Cyr, je voudrais saluer les autres membres fondateurs qui ont cru aux talents chez les jeunes d’ici. Ces personnes croyaient à la culture comme une réalité vitale, comme une force d’Identification d’une collectivité, une force qui commande tous les autres projets d’un peuple, du peuple acadien.  J’ai toujours porté en moi comme les fondateurs et fondatrices du conservatoire la réalité culturelle comme une nourriture quotidienne.
En ce 25ième, je rends hommage à toutes ces personnes qui nous ont permis à travers la musique de dire au monde qui nous sommes. Pendant 25 ans, ce conservatoire a voulu susciter en Péninsule acadienne dans les talents de chez-vous une nouvelle conscience culturelle.
Depuis 25 ans, combien de personnes qui portaient en elle les convictions des fondateurs et fondatrices qui nous permettent de nous rassembler ce soir dans ce merveilleux spectacle de reconnaissance afin d’affirmer la vitalité des talents culturels péninsulaires.
Je ne voudrais pas oublier les professeurs des débuts jusqu’à aujourd’hui. Ces personnes ont voulu donner un lendemain aux nombreux talents, soit autant dans l’art  vocal et instrumental, afin d’ouvrir des chemins d’avenir à toute une génération. Un merci, c’est peu. Je voudrais que ce merci  soit rempli de notre admiration engageante pour mieux assurer l’avenir d’un tel projet culturel qui sans nous risque de ne pas connaître un lendemain prometteur.
En vous disant merci, j’affirme que la culture, c’est la naissance à nous-même dans les œuvres musicales, théâtrales, picturales.  La culture a été et sera toujours l’émotion profonde qui se vit dans l’expression de la beauté. C’est toujours à partir de notre culture qu’on parlera de nous. Dans mon dernier livre, en rendant hommage à madame Rose-Marie Landry, présidente d’honneur de ce spectacle,  messieurs Mathieu Duguay et Armand Lavoie, un livre qui a pour titre l’expression de la beauté, j’affirme que ces artistes avec les autres ont voulu ouvrir des voies à la culture acadienne en évitant la médiocrité dans les respect des leurs publics Ces trois artistes ont voulu non pas défendre une culture mais la garder vivante dans son évolution.  C’est dans ce chemin d’avenir, pendant 25 ans que le Conservatoire de Musique de l’Acadie a voulu s’engager.   
Quant à moi, je perçois toujours la culture non pas comme un objet de consommation mais un objet de contemplation, non pas comme un objet de performance mais comme un objet de permanence.              
Quelle image ai-je de l'Église?

Quand je dis « Église », quand je prononce ce mot, quelle idée, vous  faites-vous de la réalité qui ce vocable?
Est-ce qu’une partie de  la réflexion du Concile Vatican 11 a réussi à nous atteindre comme peuple de Dieu afin de trouver dans l’Église un lieu de communion et ainsi répondre à la question posée pour mieux nous vivre en Église aujourd’hui?
 De nos jours, la réflexion médiatique nous affiche trop souvent  une Église en faillite au lieu de nous montrer une Église en transformation et toujours en réforme. Voilà pourquoi, j’affirme qu’il y a urgence quant à cette réflexion sur l’Église afin de dépasser les structures pour se regarder en profondeur comme agent de transformation dans cette réalité, une Église qui est avant  une assemblée de baptisés.
Il n’est pas rare aujourd’hui de rencontrer non seulement des jeunes, mais des femmes et des hommes de tous âges qui ne cachent pas leur intérêt pour la « spiritualité », mais qui s’éloignent à toutes jambes dès qu’il s’agit d’une foi liée à une institution comme l’Église. Comment expliquer une telle réaction?
Quand je dis Église, quelle corde sensible est atteinte dans votre vie personnelle? Quand je dis Église, c’est la communauté des disciples de Jésus qui doit m’interpeller avant tout. Nous sommes passés d’une Église qui commande à une église de communion où tout un peuple, le peuple de Dieu cherche la vérité au cœur de l’Évangile.
Trop souvent quand j’entends le mot Église, je pense à la  hiérarchie, le pape, les évêques, les prêtres, les laïcs. Cette image d’une église comme autorité qui commande n’est plus l’Église à laquelle je veux appartenir. L’Église, peuple de Dieu en marche, voilà le sens de l’Église ouverte au monde qui est le nôtre. L’Église, c’est la maison des baptisés sans exception, peu importe les situations de vie que ces gens vivent. La vision pyramidale de l’Église est dépassée et ne devrait aucunement être une référence encore envisageable aujourd’hui. Si tant de gens ont quitté l’Église, cette désertion s’explique par le fait que ces gens ne se retrouvaient plus dans nos célébrations liturgiques, dans les discours souvent lassants, dans une Église comme un poste de contrôle et non comme une assemblée nourrissante des envoyés en mission aujourd’hui au service de L’Évangile que nous devons être.
Comme croyants et croyantes en ce XX1ième siècle, nous devons nous vivre en Église comme les fruits du Concile Vatican 11 et nous vivre en Église servante et pauvre comme un lieu de  communion profonde  qui nous ouvre sur le Christ, sur l’Évangile et fortement liée à notre monde.
 Le parcours historique de l’Église l’a éloignée du moyen qu’elle doit être comme sacrement de l’Évangile pour en faire un système qui a étouffé même les élans les plus généreux de la foi chrétienne. Un système qui contrôle tout, qui ordonne tout au lieu d’être le lieu de l’annonce d’une Bonne Nouvelle qui fait vivre.
 L’Église n’est pas un système où tout est ordonné, classé comme dans une caserne militaire. Le premier souci d’un système, c’est de se fermer sur lui-même en refusant l’apport des forces nouvelles. L’Église système engendre une méfiance au cœur de l’institution qui doit un encadrement  pourtant  nécessaire pour mieux accueillir les nouveautés de notre monde. Cette Église gérée comme un système n’attend rien du monde, à peu près rien de ceux et celles qui la composent. L’Église est alors considérée, perçue comme un cadre tout fait dans laquelle nous n’avons qu’à nous inscrire et  donc très peu comme une communauté où chaque membre est agissant sous la force de l’Esprit Saint.
Il est urgent de retrouver une église qui signifie la communauté des fidèles, une assemblée concrète des fidèles dans laquelle le pouvoir hiérarchique n’a de valeur que dans cette perspective. C’est ainsi que le mot « Église » signifie le « nous » des chrétiens et chrétiennes très loin d’une vision juridique qu’on appelle l’institution très peu insérée dans notre monde.
Je ne nie pas la valeur de la tradition puisque notre  manière de nous vivre en Église doit se faire dans la continuité. Quand je parle de tradition, je parle de cette tradition vivante qui porte toute la valeur d’un passé, mais une  tradition tournée vers l’avenir.  Une fidélité à la tradition qui  prend sa source dans l’Évangile pour mieux intégrer notre histoire, notre aujourd’hui de l’Évangile.
 Notre Église dans son parcours historique est riche de sa tradition, non pas une tradition qui étouffe les initiatives des nouveautés, mais une tradition comme un lieu de croissance capable d’accueillir les situations inédites qui surgissent dans l’histoire, une tradition respectueuse du cheminement personnel de la foi chrétienne d' individus.
Cette Église qui signifie assemblée est animée par la force de l’Esprit Saint et dans un esprit de service où il y a des baptisés qui ont des responsabilités perçues comme l’autorité. Cette autorité qui n’est pas une forme d’aliénation dans un climat légaliste, mais l’autorité qui est  une régie dans la liberté  respectant l’initiative des personnes. L’autorité devient alors un regard intelligent afin de permettre dans l’Esprit Saint l’édification intérieure des baptisés comme membres à part entière de cette Église. L’autorité ne doit pas s’exercer d’une façon négative pour conserver dans les cadres ceux et celles qui s’en éloigneraient, mais plutôt à maintenir l’unité afin de combler le souhait de Jésus que « tous soient un ». Dans un monde où tout change, il ne faut pas renoncer à l’autorité, mais l’ouvrir aux initiatives qui expriment la présence de l’Esprit dans tous les baptisés. Afin d’éviter l’anarchie, dans ces changements sociaux constants, l’Église ne doit pas renoncer à transmettre au cœur de la mission, les appelés qui exercent des formes de ministère selon une autorité collée à l’époque où elle se vit.  
Dans ma vision de l’Église, loin  de moi de préconiser une concession au goût du jour et d’entrer dans cette mode de remettre les compteurs à zéro.  Au contraire, l’Église porte dans ses bagages toute son histoire pour le meilleur ou le pire. Elle a su dans son passé intégrer les appels du large au cœur de son parcours  et  l’aujourd’hui de notre Église  lui demande cette même fidélité à l’avenir qui sera le sien. Ma vision de l’Église que je partage avec vous s’inscrit dans cette fidélité où la liberté des personnes n’est pas en danger. Une Église qui n’est pas au service d’un système, mais ose répondre aux besoins du peuple de Dieu qui la compose. Une Église non pas conservatrice et réactionnaire, mais une Église «en sortie », « en partance » selon les options pastorales du pape François. La mentalité d’une forteresse assiégée fortement liée à une civilisation dépassée a éloigné plusieurs baptisés qui aujourd’hui reviennent parce qu’ils sentent respectés et accueillis.
Dans cette crise qui est la nôtre en Église, c’est l’Évangile qui va lui permettre un dénouement salvifique en la dépouillant de son visage austère en l’habillant de son visage de jeunesse et de vie dans la fidélité à l’Évangile.
 
 
Identité chrétienne
L’identité chrétienne
Ce qui fait la force d’un peuple, c’est son âme. Un pays qui ne connaît plus son histoire, qui ne la reconnaît pas dans sa culture,  n’a pas su assumer ses racines et ne pourra transmettre la culture et la foi qui l’ont construit. En Acadie, c’est un constat qui m’habite aujourd’hui et qui me désole. Ce pays-là doute de lui-même, se renie peu à peu dans le temps qui passe et demeure désormais fragile.
Étant croyant, j’ajoute que je pourrais  dire la même chose d’un chrétien qui n’assume pas son appartenance à une communauté, il peut connaître la même dégradation. C’est pourquoi l’absence de la génération de jeunes au cœur de notre Église m’invite à partager avec vous cette réflexion afin de nous éveiller à cette nécessité de la transmission de ce qui fait l’âme de notre peuple, de ce qui est notre identité profonde, notre appartenance à une Église.
Nous vivons de plus en plus dans une sécularisation ou une laïcité sans référence chrétienne. Sans être accusateur, cette manière de vivre qui nous rend de plus en plus fragiles quant à notre identité qui devrait s’enraciner dans un passé qui a alimenté l’âme de notre peuple m’inquiète..  Notre civilisation souffre d’une crise de déconnexion. Il ne faut pas être étonné si notre Église s’en ressent grandement de cette absence des jeunes au cœur de cette laïcité qui veut exclure les références chrétiennes. . Quoi faire et comment aborder cette situation?
Je ne refuse pas les changements sociaux qui sont les nôtres, mais aller jusqu’à l’oubli de la foi chrétienne qui fait partie de notre identité me semble un manque de vérité qui tôt ou tard peut appauvrir notre réalité culturelle et sociale. Notre monde est en crise et l’Église aussi est en crise. Mais toute crise est une occasion de grandir afin de passer d’un catholicisme de tradition à un catholicisme d’adhésion.
Ce qui me fait plus souffrir quand je fréquente les communautés chrétiennes de ma région, c’est l’absence d’un pan de toute une génération  à nos célébrations. Leur absence  et surtout l’absence de jeunes hypothèque grandement l’avenir de l’Église, du christianisme ici comme ailleurs. L’absence des jeunes  dans cette dimension religieuse engagée semble être un problème presque planétaire. Notre Église ne rassemble plus nos jeunes. En plus de le constater, que pouvons-nous faire?
Benoît XV1, le pape émérite, a dit un jour : « l’avenir appartient aux minorités créatives ». Je crois aux charismes de ce grand pape, mais il m’est difficile d’accepter au cœur de mon Église, cette minorité créative comme une réalité à vivre à accepter sans tenter une interpellation qui pourrait secouer une génération qui est riche de tout, mais absente de nos rassemblements, une génération  qui est indifférente vis-à-vis de la pratique religieuse. Je le constate et  à part de garder silence et baisser les bras n’aurait-il pas un pas plus engageant à faire dans la conjoncture actuelle.  IL me semble que ma responsabilité est toute autre. Il ne s’agit pas de ramener tout le monde l’Église, mais au moins d’affirmer la validité d’une présence engagée au cœur de nos communautés chrétiennes en initiant des projets mobilisateurs.
 À partir de cette certitude, de cette conviction : Je sais que le christianisme aura toujours cette capacité formidable  à transformer le monde. Les différents parcours de l’histoire peuvent nous le prouver. Voilà un motif d’espérance mais, il me semble qu’il y a un plus à vivre afin de combler cette absence, cette déficience  ou non-présence de nos jeunes chrétiens et chrétiennes.
Les jeunes pratiquants qui sont très minoritaires se retrouvent à contre-courant et cet état de fait de minoritaires les rend fragiles et ne favorise pas une capacité d’engagement.  Nous savons tous et toutes que c’est épuisant d’avancer à contre-courant. Alors le premier danger pour les jeunes croyants et croyantes, c’est la tentation de dilution du contenu religieux qui fait perdre au christianisme son authenticité  et le deuxième danger, c’est la mentalité de la citadelle assiégée, du repli sur soi et nous savons par expérience que tous  les ghettos finissent par tomber et déjà cela crée une mentalité de perdant.
Je dirais qu’il y a péril dans la demeure et il est urgent que notre Église se donne des moyens d’éveil de la génération des jeunes. Il faut se sentir « envoyé » dans ce monde qui lui est confié. De plus en plus, sans être alarmiste, nos jeunes chrétiens sont en danger. Où sont dans nos communautés chrétiennes, dans nos paroisses, donc dans notre Église  les rampes de lancement pour les préparer à la mission qui découle de la foi de leur baptême?
Le Benoît XV!  au JMJ de Madrid a employé à leur égard cette invitation : « Soyez des témoins décomplexés ». Que signifie l’expression «  catholicisme décomplexé »?
Pour vivre ce « catholicisme décomplexé », le jeune croyant doit se vivre dans une grande liberté intérieure.  Sa foi, son espérance et sa charité doivent le rendre libre au regard des autres, des modes d’opinions, des sondages, des jugements médiatiques, des moqueries, des coups bas. Aucune personne n’est indifférente au monde et à ses réactions. Au contraire, nous voulons lui apporter ce qu’il y a de meilleur, ce trésor d l’Évangile que nous avons reçu, cette conception de l’homme et de la femme, de la société, de la vie que nous voulons juste et bonne pour tous.  Nous sommes appelés à le faire humblement en faisant tout pour être à la hauteur du message que nous portons sans le diluer ou l’abîmer par nos fautes.  Nous sommes invités à le faire sans crainte, sans complexe, joyeusement et généreusement.  Une tâche qui incombe à tous les baptisés au cœur de l’Église.              
Bien plus que nous le croyons, les catholiques que nous sommes sont attendus dans ce flux de l’indifférence qui prend racine. Malgré tout, dans ce désert de notre monde, il y a une soif qui émerge, une soif de repères, de points d’ancrage, de racine, d’identité, donc d’espérance.  Il y a une soif d’aimer vraiment et de se redécouvrir aimé et encore moins à en rougir. Il faut assumer pleinement ce que nous sommes. Nous sommes appelés sans crainte. Les catholiques n’ont pas  à se cacher, encore moins à en rougir. Ils sont invités à assumer pleinement ce qu’ils sont ce qu’ils croient. Ils n’ont pas peur d’être signe de contradiction pour le monde, le pire serait de susciter l’indifférence. Notre parole et notre témoignage continuent à interpeller les consciences, d’éclairer les intelligences et de toucher les cœurs. Un catholicisme décomplexé, c’est au fond un catholicisme qui a découvert sa capacité de changer le monde et qui s’y attaque généreusement.
Aujourd’hui, où sont dans notre monde contemporain les lieux de transmission de notre potentiel de croyants et croyantes.  Un premier lieu d’intégration, c’est le milieu familial et notre milieu  culturel qui doivent  véhiculer des valeurs. Peut-être que nous avons  déserté les lieux d’influence. Nos idées chrétiennes sont-elles absentes de ces lieux de transmission, soit dans la famille, dans notre milieu social et culturel?
Selon la devise du pape Benoît XV1, nous devons être dans nos milieux respectifs : « des Coopérateurs de vérité ».  Les catholiques ne doivent pas se contenter de regarder du balcon  comme le disait le pape François. Le monde ne peut avancer sans nous. Il faut au contraire s’engager, arrêter de regarder la partie se jouer sans nous. Il faut agir, s’engager sur le terrain. Un chrétien, peu importe son âge, ne doit pas se contenter d’être un spectateur ou un commentateur souvent critique. Il faut s’investir et prendre les moyens afin de peser dans le poids politique et social de son milieu, un chrétien doit comme Jésus s’engager pour servir. Nous devons être des coopérateurs de vérité afin d’inviter les jeunes chrétiens à l’engagement au cœur de notre culture, de notre monde.
À l’inverse d’un monde individualiste et narcissique, comment ouvrir cette génération à l’altruisme de l’Évangile? Nos communautés chrétiennes devraient être des lieux de croissance et non des carrefours de consommation. Souvent, ils sont nombreux les croyants et les croyantes qui vont à l’Eucharistie comme on va à l’épicerie.
Comment faire pour nourrir ce feu de la mission chez nos baptisés afin qu’au cœur de leur Église, ils soient des « coopérateurs de vérité »?
Comment penser un leadership pastoral afin de combler ce vide qui conduit inévitablement bien des baptisés à une indifférence religieuse qui inquiète?
Je voudrais dans cette réflexion secouer les forces dormantes qui trop souvent nous habitent.
 
 
 

Photo
Claude Lebouthillier

H0mélie du Père Zoël Saulnier prononcée lors des funérailles du poète acadien Claude Lebothillier

 
Avant d’écrire cette réflexion que je partage avec vous dans la beauté de cette église, je suis un peu comme Claude devant la plage blanche. J’ai hésité avant de dire oui à l’invitation d’Alexandre, car le silence m’habite plus que les mots devant le mystère incontournable de la mort.
 Quand la mort nous visite dans le départ d’un ami, d’un écrivain, d’un papa pour Alexandre, d’un beau-pêre pour Florence, d’un grand-papa, pour Maxime et Antoine, d’un frère aimé  pour la grande famille Lebouthillier, nous  remontons l’escalier des souvenirs d’un pas plus lourd dans la fidélité des liens tissés et nous osons une parole d’espérance chrétienne. La communauté artistique acadienne perd  un créateur audacieux et un soutien inestimable.
 Pour  Claude, être acadien, c’était les racines de son être. Il a accepté de vivre ici cette passion d’une culture qui est la nôtre dans une générosité que j’ai toujours admirée chez lui. Dans ses œuvres, dans ses écrits, dans sa vie, Claude nous amenés jusqu’au seuil de son pays intérieur dans une création littéraire reconnue.
Par amitié et aussi admiration, Claude, l’écrivain qui a arpenté tout ce qui a fait le bâtissage d’un peuple, j’ai accepté une prise parole parce que Claude a tellement parlé de nous, de l’Acadie. On a écrit que la fiction embellit la réalité. J’ajoute que la fiction de Claude dans ses œuvres a plus qu’embellit ce que nous sommes comme peuple au cœur de la francophonie, il a enraciné nos légendes, nos contes, nos petites histoires en permettant que toute notre histoire dépasse le temps, je dirais le temps de sa vie parmi nous. Il a donné un visage qui avait besoin d’être rencontré dans ses personnages, fruits d’une imagination à toute épreuve.
 Dans mes souvenirs, le psychologue de profession et  sa militance au service de causes nombreuses  pour rendre plus beau, son pays, l’Acadie,  je retiens cette soirée au chalet sur la Nigadoo, où avec Claude, collègue au Collège de Bathurst,  où nous lisions ensemble le texte manuscrit de I’Acadien reprend son pays. Un beau souper à son chalet avec notre ami le poète et écrivain, Guy Jean, pour le retrouver plus tard à différents salons du livre de la Péninsule acadienne à Shippagan et au cœur d’événements qui ont nourri notre amitié. Nous portons  dans nos souvenirs brûlants comme le feu, cette rencontre de vie au Centre culturel de Caraque, il y a deux ans, où Claude avec nous était le grand capitaine de sa vie atteinte de cancer. Ce soir-là, il était plus grand que nature et c’est debout qu’il nous invitait à vivre sa maladie qui devait hélas l’emporter.
À l’occasion de ses funérailles qui nous rassemblent nombreux, Je me sens comme le pêcheur au quai des grandes partances et je reprends ce texte de la dédicace de Tisons péninsulaires,  une décicace pour nous tous et toutes  et que je cite: 
« À ces différentes Acadies des quatre points cardinaux, qu’elles brillent de toutes leurs braises, pour « beluetter », tisonner, rougir, pétiller, embraser et réchauffer le cœur de nos âmes dans cette lente remontée vers la lumière. »
Je voudrais que cette célébration soit vraiment « cette lente remontée vers la lumière », à l’invitation de Claude, lui-même.
Nous sommes invités à prendre un chemin de lumière avec Jésus ressuscité,  celui qui a été la parole incarnée, lui  qui s’offre dans la liberté de notre parcours  comme un chemin d’espérance et qui nous redit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. »
Dans son chemin de vie, Claude nous a quittés dans un printemps à venir dans quelques jours, une saison de promesses et de débâcles, une saison porteuse de vie remplie  comme l’a été la vie de Claude.
C’est cette « autre chose qui vient » qui nous rassemble dans cette église le lieu de son baptême, une étape d’initiation chrétienne, une dimension spirituelle que Claude a nourri avec sa liberté créative. Nous sommes en  ce lieu où a commencé son aventure spirituelle  plus forte que ses remises honnêtes en question qui m’invitaient, qui nous invitaient à aller plus loin dans cette quête de la vérité. Ce lieu, dont la sauvegarde lui tenait à cœur comme un héritage du patrimoine  religieux à gérer.
Les funérailles de Claude nous invitent à prendre congé de notre ami Claude en célébrant sa vie qui le quitte pour retourner à sa source, pour rejoindre ce souffle de Dieu qui l’habitait toujours, lui, l’homme du texte qui a gardé sa lampe allumée pour éclairer les pas de ceux et celles qui ont voulu  marcher avec lui  et qui voudront continuer ce pèlerinage d’un écrivain acadien.
A la fin de ce voyage parmi nous que nous aurions voulu plus long, que lui-même aurait voulu plus long car Claude auraient encore aimé de s’attarder pour décrire dans les mots et les images les réalités  qui nous touchent en profondeur dans notre identité acadienne au cœur de la francophonie.
Claude  a passé parmi nous comme l’homme de la parole et des mots qui ont interpelé, qui ont diverti et qui surtout ont fait réfléchir. Dans ses personnages, il a su libérer pour ceux et celles qui savent écouter dans une culture qui était souvent son seul réconfort, une culture qu’il a voulu partager avec nous, avec notre peuple pour lui donner le reflet de sa véritable grandeur. Claude a sondé le monde et entrouvert les mystères qui jalonnent chaque destin, chaque vie humaine. Un héritage à partager qu’il nous a laissé comme une richesse dans le monde littéraire francophone.
Ses valeurs qui l’ont fait vivre, nous avons pu les lire et les accueillir dans ses œuvres riches d’une grande diversité.
Claude nous quittera jamais car sa vie a porté et portera les fruits du grain de blé jeté en terre. Comme la Vaisseau fantôme, Claude va demeurer parmi nous plus fort qu’une légende. IL nous suffira d’ouvrir un roman de Claude, et les mots des plus belles pages de la littérature acadienne, il sera toujours proche de nous.
En ce jour de mars, nous sommes rassemblés autour des restes de notre ami Claude et nous sommes là comme l’enfant qui tient dans ses mains des objets précieux qu’il craint de briser.
Nous avons fait ici dans cette église une halte dans la diversité de notre foi et nous voulons laisser partir dans l’attente de « l’autre chose qui vient », dans un au-delà où  qui ne connaît pas la mort.
En m’inspirant d’une fable du grand Félix, je vous redis « si la mort était comme un coucher de soleil qui est beau parce qu’il annonce dans la lumière du jour qui baisse ce qui est tant attendu, le matin de la vie. »
Excusez mon audace  de mettre sur  les lèvres de Claude ce texte qui puise son origine  dans ma foi que je vous propose sans l’imposer, car je me vis ainsi, je suis du souffle de Dieu.  L’humanité est née du souffle de Dieu comme je peux le lire dans le récit de la Création, au libre de la Genèse. Ce texte extrait de Conversations dans un jardin potager, un texte  qui rejoint ce qu’a vécu son fils Alexandre qui a cueilli le souffle de Claude, son père dans le dernier instant de sa vie. 
Mon texte a pour titre : « Entre tes mains je remets mon souffle
Quand je vous quitterai, je vous laisserai une partie de ce souffle que je remets à Dieu
Ce souffle, il est à vous. Il est fait de votre amitié, de votre tendresse, de votre amour.
Ce souffle, il est beaucoup de ma vie que j’ai partagée aussi bien dans les joies que dans les peines.
Ce souffle, il est comme le vent Il entraîne dans ses élans les réussites comme les échecs d’une vie.
Ce souffle, il est haletant, un peu fatigué, mais toujours près de la source.
Amen!
 
 
 
 
 


Conversation dans un jardin potager.
Ode à la joie -Beethoven

Carême 2016

 
Je suis entré en Carême avec la belle communauté chrétienne de Saint Irénée avec le thème engageant : « Dans la joie de ton alliance! » La célébration du mercredi des Cendres a été vécue comme une célébration de Noël, comme une célébration d’une naissance afin que cette démarche de libération intérieure  nous conduise aux joies pascales avec le Ressuscité. Le carême porte parfois encore l’odeur à la morosité, le carême  2016  est encore porteur des attitudes élognées du thème de la « joie » de notre Alliance avec Dieu.
Sans préavis, à la sortie de la célébration, on se souhaitait Joyeux Carême, comme quoi le Carême est vraiment une étape de croissance dans la joie en cette année jubilaire de la Miséricorde, tous et toutes  soulevés dans la joie de l’Alliance de Dieu avec nous, son peuple.
En regagnant mon domicile, je me disais, si ce Carême 2016  se vivait comme une révolution intérieure, car la véritable révolution est avant tout, toujours intérieure. Une révolution intérieure qui est loin d’une révolution à l’emporte-pièce avec des slogans destructeurs dont hélas, notre histoire porte les marques. Avec cette révolution intérieure,  c’est ainsi que le monde changerait parce que chacun et chacune de nous, nous aurons d’abord changés. Selon la belle expression de Gandhi : «  c’est en se changeant soi-même qu’on change le monde. » Une conversion intérieure capable de nourrir la joie des ressuscités que nous devons être.

Le thème de notre carême 2016 : « Dans la joie de ton Alliance! » me rejoint davantage, car je termine à l’instant le livre de Frédéric Lenoir qui a pour titre : « La puissance de la joie! » Nous avons trop souvent mis en veilleuse la joie comme une manière d’exister, comme une manière d’être au monde soit en Église, soit dans la société. Comme le rappelle le pape François dans sa magnifique exhortation apostolique, La joie de l’Évangile, trop de baptisés ont des visages d’enterrement. Dans la mémoire de notre foi de baptisés donnons au monde le goût de la joie des sauvés que nous sommes tous et toutes. Laissons dans le placard nos masques d’enterrement et engageons-nous dans le chemin déjà de la joie pascale.
Comment nous engager comme individu croyant dans ce monde explosif d’attentats, dans ce monde de conflits, dans ce monde de repli sur soi, comment la joie est-elle possible?
Ma réponse, elle est simple et irriguée d’Évangile : seule la liberté intérieure peut bâtir la paix en nous dans notre pays intérieur, seule la liberté intérieure peut bâtir la paix mondiale. Cet objectif de paix est une nécessité de ce Carême 2016 comme un lieu de miséricorde.
J’ose vous poser la question : toi qui me lis qu’en est-il de ta liberté intérieure? Essayons dans  cette réflexion réponde à la question posée.

Comment devenir libre où nous nous laissons embarquer dans un monde « tendance » ? Un commencement de réponse dans cette question posée : comment devenir libre autrement que par les armes et la force ou la mode., ce qui est « in »?
On ne naît pas libre, on le devient dans un travail intérieur lucide, de la connaissance de soi. Ce temps de carême permet cette désintoxication afin d’ouvrir des espaces de salut à ce Dieu qui nous habite.

Le carême, une saison de conditionnement spirituel qui m’amène à cette question : Qui suis-je?  Si mon premier jeûne, en ce temps de carême était de me connaître selon la démarche d’un philosophe grec : « Connais-toi, toi-même! » Ne pas vivre d’abord selon ce que les autres disent ou pensent de toi, mais vis selon ce qui tu es vraiment. Elle est très importante cette connaissance de soi, de ta sensibilité, de tes motivations, de tes désirs, de tes émotions. Essaie de voir dans ton cheminement, ce qui te fait du bien et ce qui te fait du mal. Un peu comme le Christ au désert au lendemain de son baptême, ce temps de carême nous invite à faire des choix qui font vivre, des choix qui se réclament de la Parole de Dieu. Une démarche de purification qui est le terrain propice à l’éclosion de la joie active et à partager avec un monde qui trop souvent respire la tristesse. Changeons nos lunettes et nous verrons dans notre monde la lumière de Dieu.  Observe dans ta vie,  ce qui te met dans la joie et ce qui te rend triste. On appelle cela une démarche de discernement pour que ta vie soit comme un beau jardin dont tu es fier, dans terre dans laquelle tu as décidé de semer le meilleur.

Cette connaissance de soi est une étape de jeûne pour vaincre en toi l’égoïsme, la jalousie, l’envie, le besoin de dominer, la peur de perdre, le manque d’estime de soi ou une trop grande estime de soi , bref tout ce qui crée les conflits. Une libération intérieure de ce qui peut créer des conflits en toi, entre les individus. C’est ainsi que commencent les guerres entre les peuples.
Quand nous lisons dans la Genèse les récits de la création, nous voyons que Dieu a tout créé sans aucune frontière, dans une égalité et ainsi Dieu vit que c’était bon. Au cœur de cette création qui notre monde d’aujourd’hui, nous comprenons que les frontières entre les peuples, les divisions entre nous sont souvent les erreurs de l’histoire. Comment réparer et revenir à cette création rêvée par Dieu?
J’accepte dans ma naïveté  de croyant d’affirmer que « Dans la joie de ton Alliance »  la force de l’amour de Dieu peut changer la face de notre monde.

Comment laisser fleurir la joie dans nos vies de baptisés selon la thématique de notre carême 2016?
La joie active exige d’abord est avant tout une attentive présence à   ce que nous sommes. Des êtres sexués dont le corps est porteur de besoins à combler afin de mieux nous ouvrir en toute gratuité à l’autre. Notre corps crée n’est pas un lieu d’exploitation. Notre corps porte en lui un besoin de communion qui nous permet d’aller vers l’autre. Il existe un certain nombre d’attitudes qui seront le terreau de la venue de la joie. Ces attitudes peuvent être les suivantes : l’attention, la présence, l’ouverture du cœur, la confiance, la persévérance dans l’effort et le lâcher-prise. Ces attitudes nous permettent de développer un terrain, un climat pour mieux accueillir la grâce de la joie.

Qu’en est-il de ma joie de vivre? Notre démarche du carême devrait m’engager dans cette joie de l’Alliance non pas seulement comme un slogan, mais comme une décision du cœur qui me permet de m’accorder avec le monde qui est le mien. Un individu dans la société est comme un instrument dans un orchestre. IL doit s’ajuster avec son monde sans tomber dans des compromis ou des concessions qui le rendent infidèle à sa vocation chrétienne.  Ce raccordement avec mon monde, avec notre monde peut apporter cette empathie qui permet non pas division, mais l’unité dans le respect des différences.
Dans une démarche conséquente, dans cette montée vers Pâques notre carême selon notre tradition chrétienne,  je découvre ma joie de vivre comme une puissance à partager afin de donner à la création, à mon environnement une coloration qui est celle de la lumière de Dieu. 
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Dans cette lumière du ressuscité, la joie de vivre qui se greffe à celle de Dieu qui n’habite n’invite au partage, à la compassion pour aider moi-même comme les autres à sortir de ma peur, des passions tristes. Cette joie de vivre qui s’enracine de Dieu enflamme notre cœur du désir de voir les autres s’épanouir dans un monde où la paix est la seule manière de vivre et d’exister.
Que notre carême soit source de joie pour  que la bonne nouvelle du Christ ressuscité soit  une victoire à fêter plus qu’un conte folklorique à réciter.
Joyeux carême comme on dit Joyeux Noël ou Joyeuses Pâques!
 
 
 
 

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La puissance de la joie

 (10 février 2016)
Pour mieux assimiler et vivre le contenu d’une dernière lecture, je voudrais réfléchir avec vous sur la puissance de la joie de vivre comme une force d’exister et la goûter dans sa plénitude à tous les âges de la vie.
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En lisant le dernier livre de Frédéric Lenoir, je voudrais au cœur de l’hiver, partager cette force d’être, qu’est la joie de vivre. J’y vois un exercice de lumière, une libération intérieure dans une saison qui peut être pour plusieurs un poids lourde à vivre. Une première constatation, autour du titre de l’ouvrage dont la lecture demande un retour fréquent afin d’intégrer  ce qui peut sembler au départ une contradiction, le titre du livre, la puissance de la joie. Comment la joie, peut-elle être une puissance, de prime abord, la joie  quant à moi, c’est un peu faire dans la dentelle, c’est un superflu réservé à l’élite et peu accessible à la majorité silencieuse que nous sommes. Détrompez-vous, car en fermant ce merveilleux livre, j’ai compris que la joie, c’est vraiment la seule manière de vivre possible, peu importe notre statut dans notre monde. La puissance de la joie, c’est la seule force intérieure capable de changer le monde.  

L’auteur affirme qu’il y a trois voies d’accès, trois chemins d’accès à la joie : le premier, c’est le chemin de l’ouverture en toute gratuité du cœur qui nous aide à lâcher prise pour mieux nous engager dans un deuxième chemin qui est celui d’une libération intérieure afin de délier dans la profondeur de notre être ce qui nous lie et le troisième chemin, c’est le retour dans un chemin de communion  qui me relie dans l’amour à moi-même qui me permet d’être accordé  au monde et aux autres d’une manière pleine et juste.
Découvrir la puissance de la joie, c’est un retour vers la source de mon être, de mon existence, c’est la joie de vivre tout simplement. La joie, aussi bien en Orient qu’en Occident, est essentielle dans la pensée universelle, et si vous êtes croyants ou croyantes, j’ajoute que la joie irrigue le message des Évangiles.

Ce livre m’a permis de découvrir dans mon histoire personnelle, mon ressenti, mes convictions personnelles la vraie joie, ce fil d’Ariane à apprivoiser, à cultiver au quotidien.
Dans notre monde où la noirceur des événements est plus forte que la lumière du quotidien, est-ce possible de souhaiter une manière de vivre,  de souhaiter une sagesse : la puissance de la joie? Pour certains, en posant la question, c’est faire preuve de naïveté et pour d’autres, c’est rêvé l’impossible. Quant à moi, c’est   l’unique la manière de vivre qui demande  de ma part et de votre part un accueil inconditionnel. Un livre inspirant et fortement recommandé!

Frédéric Lenoir, La puissance de la joie,Éditions Fayard

Une réflexion sur la poésie…   

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 (11 février 2016)
La poésie est comme la mer qui nous révèle peu d’elle-même dans un premier regard.
Elle est là,juste à côté. Tu longes la nappe d’eau et  en l’apprivoisant tu oses croire qu’elle est porteuse d’un très grand mystère.
Le texte du poème est d’abord une succession de mots choisis qui nous invitent â une excursion dans l’aspect linéaire du texte.
La lecture d’un poème nous demande de nous ouvrir à l’intensité qui se cache dans les mots.
Une plongée dans le texte poétique nous permet de découvrir comme dans les fonds marins toute la vie qui s’y  cache.
Tout est au service du mystère aussi bien les mots que la ponctuation. Tout est vie dans une forme littéraire qui encadre le poème  dont l’intensité rencontre la disponibilité du cœur attentif et recueilli comme dans une prière.
J’entre dans les eaux d’un poème qui n’est pas seulement  une connaissance à conserver dans la mémoire mais avant tout un instant de vie profonde à savourer.